Peur et répression

Publié le par pablo33bordo

Peur et répression
Monsieur A habite dans une cité. A quelques mètres de celle-ci, sous les yeux de dizaines de personnes, il vole le sac d'une mamie qui faisait tranquillement son marché.

Monsieur B          est l'actionnaire majoritaire d'une entreprise du CAC 40. Un jour il fait des délits d'initiés sur le dos de petits actionnaires. Malgré ses dividendes monstrueux, il décide de délocaliser dans un pays moins regardants envers la pollution, avec une main d'œuvre moins chère, qui proteste moins et ne donne quasi pas de prime de licenciement à ses travailleurs, préférant utiliser les profits pour spéculer sur les marchés financiers. Bref, Monsieur B est un magouilleur... mais ce n'est pas sans conséquences : ses anciens salariés vont se retrouver des mois au chômage, avec le minimum (ou pas !) pour nourrir leurs familles. 

Monsieur A et monsieur B ont tous deux commis des actes graves, répréhensibles par la loi. Sauf que le statut social de monsieur A est moins bien placé dans la stratification sociale que celui de Monsieur B, sauf que tout le monde sait que monsieur A est un délinquant alors que Monsieur B sait se cacher, se justifier. 


En sortant dans la rue, tout le monde a peur des Monsieur A, pas des Monsieur B. Un flic à chaque coin de rue ? C'est franchement rassurant ! Des caméras de surveillance partout ? Voilà qui devrait les dissuader ! Des fouilles à l'entrée des établissements scolaires ? Evidemment que oui ! Montrons à ces gamins que ce n'est pas eux qui vont faire la loi ! Et s'ils continuent, la prison se révélera plus qu'utile ! Monsieur B, après tout, n'a pas un mauvais fond, il ne fait que profiter d'un système contre lequel on ne peut de toute façon pas lutter. Quant aux médias, ils en rajoutent et multiplient les faits divers ; dans le monde, il n'y a plus que vols, viols, enlèvements, meurtres etc.


NON : 
1) Les actes de ces deux hommes nuisent à la société ; ne stigmatisons pas seulement le 1er., nous venons de le prouver.
2) Le tout répressif a des limites très restrictives, prouvons le.


Face à la peur, souvent véhiculée par les médias, nous sommes tentés de voter pour le premier programme politique venu, très simpliste et qui consiste à faire de la répression une priorité. « Face à la peur de passer du temps en prison, ils finiront bien par ne plus commettre aucun délit ! Mais voilà qu'ils récidivent ; rajoutons encore quelques années et nous finirons bien par les mater. Vous êtes contre le tout répressif ? Mais alors, vous ne pensez pas à ces pauvres victimes qui demandent justice ! » A ce propos, la culpabilisation semble être un autre objet de la peur...

Que les choses soient claires, il ne s'agit pas ici de démontrer qu'un délinquant ne doit pas passer par la case prison. Ce qui est important de savoir, c'est que la prison n'est que la punition, en aucun cas la solution au problème (ça se saurait) ! Avant d'avoir à faire face au procès de la victimisation, justifions cette idée.

Avant de céder à la panique, face à la recherche de la sécurité, posons-nous la simple question : 
pourquoi ai-je peur de la Police, pourquoi ne commettrais-je pas tel ou tel délit et pourquoi tel ou tel groupe de personnes n'ont pas peur de la Police, balance des pierres sur les pompiers ? 
Ce type de questions est, à mon humble avis, la clé du problème. En effet, certains considéreront qu'i l est ici question de gènes, que les maghrébins, par exemple, ont le gène du criminel. Ceci est ultra-faux, ces gens sont racistes; mais libre à eux de le penser. Quant à la solution répressive, elle convient parfaitement à cette idée. Mais la très grande majorité de la population ne pense pas cela et ce, à juste titre. Si le problème n'est pas génétique, il est donc social. Et, que je sache, la répression ne va pas régler le problème social. Par là, j'entends qu'elle ne fera pas des délinquants de bons citoyens. Voilà pourquoi quelque chose est ici illogique ; en cédant trop vite à la panique, nous oublions l'origine du problème et ne le réglons absolument pas. 

Pour en revenir au thème du blog : les néolibéraux ont forgé une société individualiste et inégale et sont obligés de revenir à la répression pour éviter que la société n'éclate, ne dégénère. Gardons ceci en tête car cela pourrait se révéler utile dans la suite de notre démonstration.

Grâce à ce que nous venons de démontrer et à l'explication à venir ; j'affirme que : 
« La répression ne réglera pas le problème de la délinquance à moins qu'elle soit suffisamment forte et qu'elle remette en cause la liberté individuelle. » 
C'est donc la barrière démocratie/Etat totalitaire qu'il ne faut pas dépasser. Revenons à notre propos:Comment voulez-vous qu'un individu que la société ne respecte pas, comprenne et respecte cette société ? Si j'insulte un inconnu qui me laisse crever au bord de la route, et, qu'en conséquence, il m'enferme quatre jours, je ne pense pas que je me dirais « c'est pour mon bien, je vais maintenant le respecter, j'ai tout compris ». Au contraire, plus il m'enfermera, plus ma violence s'accroîtra. Si « je » devient « les délinquants » et « l'inconnu », « la société », on cerne tout de suite mieux le problème. 
Comment voulez-vous qu'un délinquant comprenne la punition d'une société qu'il refuse parce qu'elle le laisse en marge ?

On voit donc que les inégalités (et donc le fait de laisser en marge de la société certains individus) sont à l'origine des grands problèmes sociaux. Mais pour ne pas, à mon tour, associer le problème des délits aux seuls jeunes de cité, prenons l'exemple, très à la mode dans les médias, des violeurs et pédophiles. Expliquez-moi en quoi l'allongement de la durée d'emprisonnement, sans suivi, va régler le problème ?
Soit ils ont une maladie au sens strict du terme et, dans ce cas, leur place est à l'hôpital psychiatrique ; soit ils cèdent à leurs pulsions et je ne comprends pas en quoi la prison agit sur cela... Apprendre à gérer ses pulsions est quelque chose qui s'apprend. Bref, ce n'est pas un hasard si les criminels, violeurs et compagnie ont souvent eu une enfance particulière ; le problème reste donc éducationnel, social. Comme le montre si bien Jacques Généreux (que j'apprécie, je pense que vous l'aurez compris) dans son livre Le socialisme néomoderne, c'est l'élargissement et la multiplication des liens sociaux qui peut remettre un individu, à la socialisation primaire ratée, dans le droit chemin, à gérer ses pulsions etc.

Une société qui est donc individualiste et inégale, ce qui caractérise la mondialisation actuelle dominée par la néolibéralisme, est dangereuse et ne permet en aucun cas la sécurité. En effet, d'un côté, elle individualise les individus et crée des inégalités et, d'un autre, face à la montée des actes de délinquance, elle répond de façon hypocrite au problème par la répression.
 

Article rédigé le 11 octobre 2009 sur Skyrock (ancien blog) 

Publié le 12 mai 2010 sur Over-Blog

 

 

 

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Commentaires publiés sur mon ancien blog:

 

Anabel

Posté le Lundi 12 Octobre 2009

Tout d'abord je souhaiterais réagir au sujet des pédophiles ou violeurs. Je tenais à dire que ce qui me choque particulièrement c'est que ces gens ont une obligation de soins APRES leur sortie de prison. Ne serait- ce pas plus logique que se soit pendant leur emprisonnement?? Qu'on allonge leur peine, d'accord, mais alors autant y mettre à profit et les faire soigner. Certaines personnes vont peut etre trouver ça dure, mais la castration chimique pratiquée dans d'autres pays (comme la Belgique il me semble) semble être une très bonne idée, encore faut -il etre sur que la personne prenne son traitement après sa libération...(quoi que je ne sais pas exactement si ce traitement se prend "à vie" ou si quelques prises suffisent). De plus pour les personnes vraiment "malades", je pense que leur place n'est pas dans notre société, mais dans un hôpital psychiatrique, à notre époque et avec les moyens dont on dispose, on ne peut pas se permettre de "créer" des récidivistes.
Ensuite, je repense au cas de cette femme de 42 ans, violée et tuée après avoir été enlevée durant son jogging. Est ce que c'est normal que son agresseur ait pu s'installer dans la même ville que sa précédente victime??? je ne dis pas qu'il n'aurait pas commis un tel acte ailleurs, mais je trouve déjà ça scandaleux. Et je suppose qu'il ne s'agit pas là d'un cas isolé. De plus, maintenant qu'il s'agit d'un cas de récidive, j'espère que maintenant il ne sera plus jamais remis en liberté, sa place est, je le répète, à l"hôpital.
Maintenant en ce qui concerne les jeunes "délinquants", je suis tout à fait d'accord sur le fait que de "parquer" toute une classe de gens dans des cités par exemple, n'aident pas vraiment à l'insertion sociale, surtout vu l'image que notre société a sur ces endroits. Et la répression n'est évidemment pas la meilleure des solutions si ces jeunes sont déjà animés d'un sentiment de révolte. Mais quelle est la solution? Bien sur il existe des associations qui viennent en aide à ces jeunes, leur permettent de voir qu'il y a autre chose que la casse de voitures pour s'occuper, et qui tentent de leur montrer d'autres horizons. Mais le problème est que ces jeunes n'ont pas toujours conscience qu'on leur tend la main et refusent l'aide de ces personnes. 
Ce qui est triste c'est que certains jeunes qui voudrait s'en sortir sont "noyés dans la masse' et passent à la trappe. Mais ce n'est pas le plus triste finalement, le plus triste c'est qu'il y en ai que "quelques un" qui souhaitent s'en sortir...
Je trouve que la chanson "envole moi" de J.J.Goldman pourrait très bien résumer ce que peut ressentir un jeune de banlieue ou de cité (ou d'ailleurs) qui voudrait s'en sortir. Il y a notamment une phrase : "A coup de livres, je franchirai tous ces murs". Le problème de la plupart de ces jeunes c'est qu'ils ne peuvent pas vraiment se battre à coups de livres, et le font donc à coup de pierres...
Je n'ai pas la prétention de dire que je suis très tolérante face à ces délinquants, car moi meme j'ai souvent tendance à les stigmatiser. Et soyons francs, la vision d'un monde utopique où tout le monde se tend la main n'existera probablement jamais. Et je pense qu'il est très dur de trouver des solutions pour aider ces jeunes mais ej ne doute pas qu'il en existe, et qu'on pourrait en trouver si on se penchait réellement sur la question, plutôt que de choisir la répression, solution de facilité qui n'est pas forcément la réponse pour tous. (même si pour certains je pense que c'est utile selon la gravité des actes évidemment).
J'ai choisi de parler surtout des jeunes de banlieues ou de cités, car c'est souvent d'eux que l'ont parle dans les médias, et je tenais à donner mon avis sur la question (dsl pour le roman lol). Mais je n'affirme absolument pas que les délinquants viennent forcément des cités ou vice versa, que les cités n'abritent que des délinquants.
PS: Si j'insulte un inconnu qui me laisse crever au bord de la route, et, qu'en conséquence, il m'enferme quatre jours, je ne pense pas que je me dirais « c'est pour mon bien, je vais maintenant le respecter, j'ai tout compris ». Au contraire, plus il m'enfermera, plus ma violence s'accroîtra."Si « je » devient « les délinquants » et « l'inconnu », « la société », on cerne tout de suite mieux le problème" --> j'ai beaucoup aimé cette image qui permet de mieux comprendre la situation.


Pablo33bordo

Posté le Dimanche 18 Octobre 2009

Tout d'abord, merci pour cette longue et intéressante réponse.
Je vais répondre à mon tour sur tous les sujets que tu as traité.
Tout d'abord, en ce qui concerne les violeurs et pédophiles, j'avoue que je me suis aventuré sur un terrain que je ne maitrisais pas totalement mais bon, il est toujours intéressant de donner son avis. 
A propos de la castration etc., je ne sais pas trop qu'en penser. Mais je pense qu'une personne qui a des pulsions serait bien plus heureuse castrée que de commettre de tels actes régulièrement...
Aujourd'hui même, un pédophile a écrit au président pour demander à pouvoir être castré. Cependant, cela fait déjà preuve d'un certain équilibre. Avant tout, la question que je pose dans cet article est: qu'est ce qui fait qu'un individu, qui à l'origine est comme vous ou moi, devient violeur ou pédophile ? Que ce soit une maladie mentale ou un problème remontant à l'enfance, on voit bien que la prison ne peut pas remplir le rôle d'éducatrice, surtout quand il s'agit de pulsions et de problèmes aussi profonds. D'ailleurs, si c'était si simple, le pédophile auquel j'ai fait allusion tout à l'heure n'aurait pas eu besoin de demander la castration!
En ce qui concerne, le suivi en prison, s'il ne se fait pas pour l'instant, c'est franchement idiot; je te rejoins parfaitement sur ce point. 
A propos des jeunes délinquants. Déjà, tu emploies le mot "insertion", de jeunes aidés par des associations etc. Cela veut dire que tu penses qu'il faille résoudre le problème individuellement. Or, je préfère parler d' "intégration" de ces jeunes à notre société. Ainsi, la version "utopique d'un monde où tout le monde se tend la main" dont tu parles n'est pas si inaccessible, pour la simple et bonne raison que ces personnes n'ont rien de plus ou de moins que nous. Et si nous, nous intégrons à la société et pas eux, c'est la société dans son ensemble qui en est responsable car c'est la société qui construit les individus et qui rattrape des comportements déviants.
Lorsque tu dis qu'il faut aider "ceux qui veulent s'en sortir", je voudrais préciser que chaque individu agit dans ce qu'il pense être le mieux pour lui (je précise qu'il n'est pas question d' "égoïsme" ici) et donc, en théorie, chacun agit pour s'en sortir, à sa façon. Par "ceux qui veulent s'en sortir", tu entends en fait des gens qui sont déjà adaptés aux valeurs de notre société et qui vont remuer ciel et terre pour arriver à avoir un travail etc. Sauf que le jour où ils seront rejetés, découragés etc. puis désocialisés, ils deviendront violents et tomberont dans le rang de "ceux qui ne veulent pas s'en sortir"...
A bientôt sur ce blog !

 

 

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